Transformer une berge, sans trahir les vestiges qu’elle abrite : tel a été le défi que nous avons relevé dans le Vieux Sainte-Rose, à Laval, dans un quartier où la rivière, l’église et la mémoire collective s’entrelacent depuis plus d’un siècle.
Lorsque nous avons obtenu le mandat afin d’intervenir sur le site de la Berge des Baigneurs, nous avons tout de suite senti que ce lieu portait plus qu’un potentiel d’aménagement. Il portait une mémoire. Celle d’un noyau villageois façonné par la rivière, les chalets de villégiature du début du 20e siècle, les plages, les baignades protégées, et la silhouette rassurante de l’église Sainte-Rose-de-Lima.
Parmi les parcs riverains d’importance sur le territoire lavallois, la Berge des Baigneurs possède un caractère naturellement pittoresque. Notre objectif était de réactiver son attractivité, de le faire redécouvrir aux citoyens et citoyennes à travers un aménagement à la fois sensible et contemporain.
Connecter les berges, relier les usages
En 2016, un premier mandat nous a été confié : concevoir un plan d’ensemble. Ce travail s’est précisé en 2018 avec la mise en œuvre d’une première phase, dont l’objectif était double : créer une véritable porte d’entrée visuelle et physique vers la berge, et surtout, revaloriser le site de l’église Sainte-Rose-de-Lima — repère symbolique du quartier. Située en position centrale, à la croisée du boulevard Sainte-Rose et de l’accès à la rivière, l’église joue un rôle à la fois communautaire et paysager. La réflexion portait donc aussi sur la requalification de son parvis, la fonctionnalité de son stationnement, et son potentiel à devenir le point d’ancrage d’un parcours entre patrimoine, nature et vie publique. Le projet devait répondre aux besoins de trois acteurs essentiels : la Fabrique du Vieux Sainte-Rose, l’école Villemaire et la Ville de Laval.

©Gianna Cabanas
Ce projet s’inscrit dans une ambition plus vaste portée par la Ville : valoriser l’ensemble de son réseau riverain et connecter les berges d’est en ouest. Laval est propriétaire de 27 kilomètres de terrains en bordure de l’eau, dont 15,7 kilomètres sont actuellement accessibles au public — une richesse territoriale à mettre en lumière.
Une surprise enfouie sous nos pieds
En 2020, une fouille archéologique préventive, non prévue au départ, a révélé des artefacts anciens, des vestiges religieux, et même des ossements humains, issus d’un ancien cimetière paroissial. Cette découverte a modifié l’approche. Plutôt que de construire sur ces traces, nous avons travaillé à les intégrer.
Stéphanie Lavallée, bioarchéologue
« La Ville a complètement changé ses plans afin d’ajouter une dalle de béton et de protéger le site et les sépultures qui se trouvent encore sous nos pieds. »
Préserver ces éléments in situ tout en aménageant le site a exigé des choix novateurs. En collaboration avec les équipes techniques, nous avons opté pour des fondations peu profondes, pensées avec soin pour respecter l’intégrité des vestiges enfouis. Le stationnement, quant à lui, repose sur une structure en béton ductal, élaborée dans la même logique de préservation. Ce dispositif, comparable à un fin pont structurel, nous a permis de déposer les aménagements sans intervenir sur le sol archéologique. Le pavé, posé au-dessus, laisse littéralement respirer l’histoire. Des croix discrètes, intégrées dans les surfaces, dessinent les contours de l’ancienne église — un geste simple, mais chargé de sens.

©Vincent Brillant

©Projet Paysage

©Projet Paysage

©Projet Paysage

©Projet Paysage
L’église, cœur spirituel et rassembleuse du site
L’église Sainte-Rose-de-Lima demeure la pierre angulaire du site. Plutôt que de rivaliser avec sa présence, nous avons conçu un aménagement qui la met en valeur. Son parvis devient une véritable scène : lieu de rassemblement, de célébration, de départs. Le motif du pavé, inspiré d’un tapis déroulé, prolonge avec douceur les lignes architecturales de la façade ; le blanc fait écho aux piliers qui soutiennent ses clochers.
Le caractère sacré du lieu est renforcé par un parcours ponctué de sculptures religieuses, invitant à la contemplation. La façade de l’église, mise en lumière à la nuit tombée, agit comme repère émotionnel et visuel.

©Maude Pellerin

©Vincent Brillant
Fonctionnel et vivant, le site accueille aussi des usages communautaires. Une allée discrète permet le passage des corbillards, en continuité avec les rites du lieu. À l’est, le stationnement et l’axe véhiculaire se transforment en place publique lors des marchés saisonniers et d’événements comme le Symposium de Sainte-Rose, rendez-vous estival majeur des artistes. Ce tissu culturel irrigue les galeries, les boutiques et l’espace public du quartier.
Les parcours piétonniers guident les pas entre les arbres, les haltes, les zones végétalisées. L’eau, qui jadis attirait la clientèle de villégiature, reprend sa place centrale au site.

©Vincent Brillant
Laisser la nature dialoguer avec le passé
Le verdissement joue ici un rôle fondamental. Il ponctue la promenade, renforce la biodiversité locale et invite à ralentir. Des salons de verdure ont été créés le long du boulevard Sainte-Rose, et une allée de pommetiers, arbre emblématique des presbytères, évoque la vocation historique du lieu. Le mobilier sobre, conçu à partir de pierres locales de Laval, et les plateformes paysagères offrent aux visiteurs un moment de pause dans une atmosphère apaisante.
Au-delà de ses bienfaits écologiques, cette approche sensible rehausse la valeur culturelle du site : la nature devient médiatrice entre le passé et le présent.
Réimaginer la Berge des Baigneurs, c’était conjuguer patrimoine et modernité, histoire et usage. C’était reconnaître la valeur des vestiges et des artefacts, tout en répondant aux attentes des communautés locales.
Nous avons eu le privilège d’accompagner cette transformation, en espérant que chacun et chacune puisse ressentir, en arpentant ce site, ce lien vivant entre mémoire et avenir.